
Résumé :
Celles qui survivront ne seront plus jamais les mêmes. « Personne ne parle de l'année de grâce. C'est interdit. Nous aurions soi-disant le pouvoir d attirer les hommes et de rendre les épouses folles de jalousie.
Notre peau dégagerait l'essence pure de la jeune fille, de la femme en devenir.
C'est pourquoi nous sommes bannies l'année de nos seize ans : notre magie doit se dissiper dans la nature afin que nous puissions réintégrer la communauté.
Pourtant, je ne me sens pas magique. Ni puissante. » Un an d'exil en forêt. Un an d'épreuves. On ne revient pas indemne de l'année de grâce. Si on en revient.


L’année de grâce, nous propose une immersion au sein d’une communauté dans laquelle les femmes sont bridées et détentrices d’une magie qui leur servirait à soumettre et avilir les hommes. Magie dont ses derniers, dans leur infinie sagesse (noter le sarcasme), imposent une année pendant laquelle elles doivent se départir de leurs pouvoirs (peu importe comment). Un parallèle nous est proposé avec la religion et les responsabilités d’Eve, en justification de ce que vivent les femmes dans ce roman.
Un fond survivaliste laisse entre-apercevoir à la fois la scission entre deux communautés, tandis qu’un ailleurs est fantasmé sans pour autant en déterminé véritablement les contours… Mais nous imposera également, le témoignage de la faim et de la perdition, des jeunes femmes concernées par l’année de grâce.
Les personnages proposés ne sont pas tous aussi travaillés qu’on aurait pu l’espérer, tandis que l’héroine de ce roman répond aux codes bien définis du genre (dystopique, young-adult). Quant à la temporalité, il n’est pas évident de se situer, on ignore même dans quelles circonstances cet univers en est arrivé à de telles extrémités. Ce constat donne la sensation d’un manque, d’un travail peu aboutit … et c’est dommage.
Le style de l’auteur est agréable, sa plume fluide, ça se lit vite et bien. J’aurais bien ajouté en toute légèreté, mais le contenu de ce livre m’en empêche (mutilations, exécutions, bannissements, …). Tourner les pages a quelque chose d’addictif, on veut savoir, coute que coute, ce que la page suivante va nous révéler. On va de péripéties en péripéties et le rythme effréné s’avère soutenu jusqu’au bout. L’auteure prend tout de même le temps de nous décrire l’environnement, d’évoquer le langage des fleurs, de nous dépeindre les méandres de la folie… ce qui induit une immersion facilitée.
Ce roman au-delà de traiter de la condition de la femme, de l’effet de groupe, des croyances et de leurs exploitations, ou encore de l’endoctrinement… propose une idée intéressante, et une histoire originale (effectivement à la croisée de La servant écarlate et de Hunger game).
En revanche…
Je m’interroge sur l’étiquette du féminisme qu’on associe systématiquement à ce livre qui propose une vision très manichéenne des genres (binaires), dépassant largement les limites de la caricature parfois. Qui, sous couvert de nous proposer, le récit à la première personne, d’une héroïne décidée, intelligente et souhaitant fair bouger les lignes … Nous propose, également, un récit où elle subit de long en large sa vie et finit par devoir sa survie aux hommes. Ces choix scénaristiques donnent la sensation de tourner en rond dans le combat de l’héroïne (dont les convictions sont fondées, mais qui n’a que peu, voire pas de marge de manoeuvre). De fait, l’évolution proposée n’est que minime et oscille tout le livre tant dans la régression, la stagnation, que l’infime évolution.
Je me questionne également quant au fait qu’il n’y est pas de limite d’âge associée à cette lecture, le contenu étant relativement violent, empreint de cruauté, pour ne pas dire plus. Ces violences se justifient par le contexte du récit (rituel initiatique, croyances, devoirs, responsabilités, empoisonnement, …). Les personnages de ce roman, sont tous, plus ou moins mus par leurs rôles ; de victime, de proie… par la place qu’ils occupent dans la société, leurs devoirs, leurs espoirs et encore et toujours leurs croyances (qui leurs sont inculquées et qui justifient en long et en large leurs actions).
Un premier roman intéressant, malgré quelques événements prévisibles, qui laisse présager un bel avenir pour l’auteur. Car, malgré mes questionnements, j’ai dévoré ce livre et apprécié sa conclusion ; qui s’avère être une ouverture, laissant au lecteur le choix de son interprétation.
Au delà de se vouloir féministe, je suis d’avis qu’il remet en question, ouvre les yeux, bien davantage, sur les relations qu’entretiennent les femmes entre elles (la défiance, le manque de solidarité, la jalousie, …), et ça, c’est un bon point selon moi. Pas déçu, mais frustrée, j’avais certainement beaucoup d’attentes au vue de l’engouement que ce roman soulève. Une lecture à expérimenter.